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Date de mise à jour : 30/10/2017 (60 nouvelles épaves, 41 mises à jour)

LA SEVRE
Trois-mâts à vapeur
(1857-1871)

France

Raz-Blanchard
Brume, le 6 février 1871

La Sèvre
Le transport mixte SÈVRE

Caractéristiques

"LA SÈVRE est un transport à propulsion mixte dont la construction débute le 1 juin1855 à Nantes. Il est amené à l'Arsenal de Lorient fin août 1857 accompagné de son sister-ship LA MAYENNE, et s'y voit équipé de ses machines et de ses gréements. Il y est lancé le 26 juin 1857.

Gréé en trois-mâts barque il jauge 900 tonneaux et mesure 72.90 x 10.44 x 4.30 m. Il est doté d'une machine Indret de 110 HP, developpant 440 chevaux. Sa propulsion se fait par une hélice à puit (1). Il est mis en service le 1 mars 1859. Il appareille de Lorient pour être versé à Toulon.

Durant les années 1860 à 1861, il effectue des transports sur l'Italie et l'Algérie. Il fut même transformé quelques temps pour le transport des chevaux, puis il effectue des transports au Sénégal et au Gabon. Le 8 janvier 1861, il arrive à Toulon, venant de Beyrouth transportant des malades de Syrie. En novembre 1861, il participe à l'expédition du Mexique, dans l'escadre de l'amiral Jurien de la Gravière, comme transport du corps expéditionnaire. En avril 1864, il revient de Vera-Cruz, via New-York et débarque à Oran un chargement d'avoine, avant de regagner Toulon.

Il sera désarmé durant l'année 1864 et 1865. Il est réarmé en 1865 pour devenir stationnaire à Alexandrie. En 1866, il revient à Cherbourg pour se faire doter d'une nouvelle chaudière et modifier son gréement. En 1868, il est stationnaire en Islande avant d'être transformé en transport de troupes puis en navire hôpital.

Guerre du Mexique

Hélice à puit

La flotte napoléonienne au Mexique

Hélice à puit

Le naufrage

C'est dans ce cadre qu'avec cent-treize hommes d’équipage et quarante soldats, dont certains blessés, que LA SÈVRE quitte Saint-Malo ce 6 février 1871. Le capitaine de frégate Vesque (2) espère arriver à Cherbourg dans la soirée. La météo est avec lui, une brise de suroît permet à LA SÈVRE d’avancer à bonne allure. Pourtant la brume tombe en début d’après-midi. Cela rend la navigation délicate. Malgré cela les vigies arrivent à reconnaître l’anse de Vauville à 16h30. Une heure plus tard, pensant avoir dépassé le Cap de la Hague, le capitaine donne ordre de prendre cap à l’est. Mais moins de trente minutes après, des brisants sont signalés à l’avant. Le capitaine Vesque fait stopper les machines et demande à sonder les fonds. Mais ces ordres vont être fatals au navire. Les courants de vives-eaux le projettent sur les roches dites Les Noires.

ISERE
Transport Isère

Recit du naufrage dans la presse : Le Courrier de Bretagne 15 février 1871

"Un affreux malheur vient d'arriver dans les parages de Cherbourg La Sèvre, transport à vapeur venant de Saint-Malo, avec 40 passagers, la plupart soldats blessés, s'est perdue lundi, vers 5 heures 1/4 du soir, sur les roches environnant le cap la Hague.
La Sêvre était commandée par M. Vesque, capitaine de frégate, qui a été une des victimes. Avec lui ont péri, le pilote puis MM. Lefebvre, lieutenant de vaisseau, commandant en second ; Aiguier, enseigne ; Tirard, aspirant; Zabliocki, médecin-major. 43 hommes seulement de l'équipage et 13 passagers ont été sauvés. Parmi ces derniers, ou cite un employé civil, accompagnant le chargement de matériel de campement embarqué sur la Sèvre, plusieurs soldats blessés; M.Rozier, enseigne; M. Edet, aide-commissaire; le maître d'équipage Martin, le second maître mécanicien Marché, et le second maître de timonnerie Lhardy.
La Sèvre était partie de Saint-Malo lundi matin. Elle eut d'abord une bonne brise sud-ouest. Dans l'après-midi, une brume épaisse se répandit, et le navire, porté sans doute par un courant de forte marée, dévia complètement de sa route. Vers 4 heures 1/2, on reconnut le Raz-de-Jobourg, que l'on prit d'abord pour l'île d'Aurigny. Cependant l'on reconnut que l'on était dans la baie de Vauville. Le navire, faisant alors cap sur cap, reprit sa route vers le nord-nord-est. Mais la brume persistant, les courants très-violents, la route resta indécise allant vers le nord, mais inclinant vers l'est.
A un moment, on crut avoir doublé la Hague et la route fut reprise plus sensiblement vers l'est. Tout à coup, des brisants sont signalés à l'avant, l'ordre est donné de stoper pour jeter une ligne de sonde, et il semble que ce fut alors que le courant, maîtrisant tout à fait le navire, le jeta par bâbord sur les roches de la Foraine.
En moins d'un quart d'heure, le malheur était consommé. L'eau pénétrait avec rapidité et l'on ne pouvait longer à aveugler la voie, le navire étant en fer. Une partie de l'équipage se réfugia dans la mâture; mais le mat de misaine se rompit le premier en entraînant une véritable grappe humaine. Puis le grand mât tomba avec un horrible craquement et au milieu des cris de désespoir. Les compagnons des malheureux réfugiés sur sur le mât d'artimon, les virent disparaître, broyés par la chûte, entraînés par les flots qui couvraient déjà le pont. Une baleinière avait pu être lancée.
L'enseigne Rozier étant parvenu à s'y jeter avec quinze hommes, chercha à attérir pour demander des secours. Entraîné par le courant, ce premier canot doubla la Hague, atteignit Omonville, et arriva en rade de Cherbourg, à 9 heures du soir. Les hommes furent recueillis à bord de l'OCEAN. Un autre canot portant 43 hommes, fut également lancé, et arriva comme le premier en rade de Cherbourg.
Les cris des malheureux dont le nombre diminuait à chaque instant et qui avaient trouvé un refuge dans la mâture furent enfin entendus par les habitants de Goury et des villages voisins. Un canot de sauvetage fut arrimé (l'ESPÉRANCE, patron Jean-Louis Fabien). Mais ce ne fut pas avant 11 heures du soir que le sauvetage put commencer. Il fut conduit avec beaucoup de sang-froid par le patron du canot et le maître d'équipage Martin, qui plusieurs fois risqua sa vie pour sauver celle des trente hommes réfugiés dans le mât d'artimon, le seul qui tint bon jusqu'à la fin. Quant au brave Vesque, on le vit longtemps sur la passerelle, puis sur l'arrière, donnant ses ordres pour le sauvetage. Tout à coup, et au moment où le second maître de timonerie Lhardy, lui criait de venir se réfugier sur le mât d'artimon, un paquet de mer enleva l'infortuné capitaine ainsi que le pilote. Ils disparurent pour toujours.
Un des officiers fut coupé par une chaîne. Le médecin-major fut broyé entre un canot et le bord du navire.
L'autorité maritime de Cherbourg, prévenue à neuf heures de cet affreux malheur, donna les ordres les plus prompt. Les avisos DAYOT, ARIEL, ADONIS, partirent aussitôt porter des secours. Mais ils ne purent que constater l'étendue du désastre. De la SEVRE, il ne restait plus que des épaves.
Cinquante-cinq personnes ont trouvé la mort dans cette horrible catastrophe."

Position

Carte du naufrage

Zone : 49 01 40 - N Cotentin
Latitude : 49° 43', 1310 N - longitude : 001° 57', 1960 W

Notes

Hélice à puit : La grande période des puits d'hélice et son installation sur les navires à vapeur en France se situe entre 1848 et 1859. Elle répondait alors à un besoin : supprimer la traînée d'une hélice aussi primitive que d'une utilisation restreinte. Plusieurs facteurs vers 1845-50. guidaient les choix des ingénieurs. Les hélices en bronze, aux très grandes pales, freinaient beaucoup le navire quand il marchait à la voile. A cause de leurs formes, si on les laissait tourner alors déconnectées de la machine (affolement, mais cela supposait l'existence d'un embrayage), elles usaient les fragiles paliers inutilement, subissaient le choc des vagues qui leur occasionnait des ébranlements préjudiciables, et leur traînée freinait quand-même la marche. La propulsion à vapeur n'était utilisée qu'occasionnellement, parce que les machines consommaient énormément de charbon, que les dépôts de combustible étaient rares et concentrés uniquement sur les grandes routes maritimes, que la qualité du charbon laissait parfois à désirer, que la quantité disponible était aléatoire à certaines escales ou soumise à des monopoles de pavillon, et surtout parce que les machines et les chaudières étaient souvent en panne, et incapables de soutenir une marche ininterrompue.
Pour accoupler ou désaccoupler l'ensemble, il suffisait que les parties mâle et femelle soient placées verticalement; dans ce cas, leur verticalité signifiait que l'hélice était elle aussi verticale, donc apte à monter ou descendre avec son chassis-cadre le long des glissières du puits. Des repères intérieurs placés sur l'arbre-moteur indiquaient quand sa pièce extérieure fendue "mâchoire" était verticale. A cette fin et intérieurement, un "vireur" engrenant par pignons et vis sans fin sur l'arbre-moteur permettait sa rotation précise. L'arbre-moteur en plusieurs tronçons portait, en plus de son obligatoire butée (généralement "à collets" et de ses manchons de liaison, un frein à mâchoires enserrant un plateau et un embrayage à tenons (on disait "à soies" et plateau coulissant. Le frein à mâchoires était indispensable pour débrayer et embrayer. Il servait aussi à immobiliser l'arbre-moteur pour les manoeuvres d'accouplage et désaccouplage de l'hélice. Pour remettre en place l'hélice, on descendait le cadre et son hélice verticale jusqu'à ce que des tenons de positionnement placés au bas du chassis-cadre se logent dans les logements des deux chaises-support fixées, l'une sur Pétambot avant, l'autre sur l'étambot arrière. (Source Revue Neptunia, N° 230, article de Claude Millé).

Capitaine de frégate VESQUE, Justin, Charles, Victor, le 9/10/1820 à Cherbourg. Entré en service le 22/06/1832. Capitaine de frégate affecté au transport Sèvre à la fonction de Commandant. Décèdé le 06/02/1871, à l'âge de 50 ans dans la Manche au Raz Blanchard. (Source : Jugement déclaratif de décès rendu par le tribunal civil de Cherbourg, le 21 novembre 1871.)

Sources

"Les navires de guerre francais de 1671 à nos jours" Bruno Nicolas ; "Jean de la mer: paroles d'un Mathieu-Sala du Cotentin", Catherine École-Boivin,Collectif ; Revue Neptunia, N° 230 ; Courrier de Bretagne (15 février 1871, p.3) ; Journal officiel de la République française, mars 1871 ; La Flotte de Napoléon III, http://dossiersmarine2.free.fr/